Belinda Kazeem-Kamiński : Une expérience noire en terre germanophone
- Eleonore Bassop
- 20 mai 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 mai 2024
Belinda Kazeem-Kamiński est écrivaine, artiste et universitaire. Son travail se caractérise par une approche artistique interdisciplinaire qui combine la théorie postcoloniale et le féminisme noire. Belinda Kazeem-Kamiński traite de l'(in)visibilité de l'histoire des Noirs en Autriche en entremêlant le documentaire et la fiction. Ses œuvres se manifestent à travers une variété de médias et dissèquent le présent d'un passé colonial toujours d’actualité. Une exposition lui était consacrée au Kunsthall de Vienne jusqu’à début 2022. Rencontre.

Eléonore Bassop
Bonjour Belinda, pour satisfaire notre curiosité, pouvez-vous nous dire qui vous êtes ?
Comment vous définissez-vous ? En tant qu'Autrichienne ? En tant qu'Afro-Européenne ? Ou en tant qu'Africaine-Autrichienne ?
Belinda Kazeem-Kamiński
Je suis une écrivaine et une artiste visuelle de la diaspora noire basée à Vienne en Europe. Pour ce qui est de mon passeport, je suis autrichienne.
E.B
Votre travail touche à la vidéo, à l'installation et à la photographie, vous êtes également une auteure et une universitaire, comment et pourquoi naviguez-vous entre ces différents mondes ?
Belinda Kazeem-Kamiński
Il n'y a pas de différence ou de séparation entre mon travail en tant qu'universitaire, auteure ou artiste. Ma pratique, indépendamment de la manière dont elle se matérialise, se caractérise par un intérêt pour la négritude, le temps/la temporalité, l'archive et le soin/la réparation. J'ai commencé dans le milieu universitaire, mais les conventions académiques se sont avérées trop rigides pour ce que j'essayais de faire. Comme j'ai toujours eu un vif intérêt pour l'écriture et la création d'images, prendre la caméra tout en me penchant sur l'écriture créative n'était pas si difficile. En fin de compte, des projets différents appellent des solutions différentes.
E.B
Vos recherches portent sur la vie des personnes noires dans les territoires germanophones. Quelles expériences souhaitez-vous partager avec le public à travers les différents supports artistiques que vous utilisez ?
Belinda Kazeem-Kamiński
Ma pratique vise à comprendre comment la négritude et les Noirs ont été historiquement construits et marqués comme autres, et comment ces circonstances influencent le quotidien. Les spectateurs constituent un groupe hétérogène, il est donc impossible de faire des suppositions générales, mais j'ai tout de même un public préféré en tête ou des personnes avec lesquelles je veux être en conversation. D'une manière générale, mes œuvres sont des invitations. Les spectateurs sont invités à être témoins et à réfléchir, entrant ainsi dans des intrigues et des récits qui, je l'espère, les poussent à réfléchir à leur positionnement.
E.B
Votre travail est marqué par le temps : le temps passé, le temps présent et le temps futur. Quelle est l'importance du temps dans votre recherche ?
Belinda Kazeem-Kamiński
Les conceptions du temps et de la temporalité me permettent de réfléchir à la manière dont la violence coloniale ou l'asservissement des Africains continuent de hanter l'ici et le maintenant. Contrairement à ce que les Européens blancs aiment à penser, les Noirs ne sont pas nostalgiques et n'ont pas de problème à oublier le passé. Le passé a toujours de l'importance, car il continue de s'immiscer dans le présent.
E.B
Vous avez été styliste de mode, que reste-t-il de cette époque ? L'importance du détail comme dans votre travail sur Angelo Soliman ? La recherche esthétique dans la création ?
Belinda Kazeem-Kamiński
J'ai travaillé comme styliste bien avant de commencer mes études à 25 ans. Le stylisme, c'est raconter des histoires avec des textiles, des accessoires, des couleurs, des corps, des mises en scène spécifiques. Les détails et la façon dont je dispose les objets sont toujours très importants pour moi. Chaque objet est là dans un but précis; il signale quelque chose, dirigeant ainsi le regard et l'attention des spectateurs.
E.B
La question noire est un thème très discuté dans de nombreux pays européens aujourd'hui. En France, je peux citer Maboula Soumahoro, Rokhaya Diallo, Amzat Boukari-Yabara, et bien d’autres. Vous intéressez-vous au travail de ces intellectuels afro-européens ?
Belinda Kazeem-Kamiński
Ce qui m'empêche de lire davantage d'écrivains et d'intellectuels noirs français est mon incapacité à parler français, ce qui est dommage. Heureusement, le livre de Maboula Soumahoro, Black is the Journey, Africana the Name (2022), a été traduit en anglais par Kaiama Glover, un penseur que j'admire beaucoup. L'existence d'une traduction me permet de me plonger dans la pensée de Maboula Soumahoro. En outre, je me considère chanceuse d'être en conversation et en proximité avec des artistes, des penseurs et des esprits brillants noirs à travers l'Europe. Des personnes comme Temi Odumosu, Onyeka Igwe, Fallon Mayanja, Anna Tje, Fatima El-Tayeb, Noémi Michel, Vanessa Thompson, Maisha Auma et bien d'autres me viennent à l'esprit.
E.B
À quand une convergence des intellectuels afro-européens sur la question noire ?
Belinda Kazeem-Kamiński
Les projecteurs sont surtout braqués sur les penseurs/artistes noirs américains, mais nous sommes nombreux à faire ce travail dans le contexte afro-européen. Je m'intéresse aux personnes qui laissent de côté les logiques de l'État-nation et réfléchissent à la diaspora noire ou à l'expérience de l'Atlantique noir : non pas comme une histoire monolithique, mais comme un espace ouvert à différentes expériences, frictions et ambivalences.
Merci Belinda Kazeem-Kamiński d'avoir répondu à nos questions.
Contact : hello@belindakazeem.com
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