Féminisme de pouvoir : Sororité à huis clos
- Eleonore Bassop
- 16 févr.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 16 févr.
Il y a quelque chose de troublant dans l’image que l’on se fait de la sororité au sommet. Une belle promesse de solidarité entre femmes, un front uni contre le plafond de verre, une main tendue à celles qui suivent. Et pourtant, derrière ce vernis d’émancipation collective, une autre réalité se dessine : celle d’une élite féminine qui s’organise pour se coopter, qui parle d’inclusion tout en verrouillant les portes derrière elle.

Jane Fonda, icône féministe et actrice engagée, l’avait dénoncé sans détour au moment du lancement de #MeToo, un mouvement qu’elle voyait dominé par des femmes blanches et aisées. Une indignation sélective, qui mettait de côté les premières particulièrement concernées par les violences sexistes et sexuelles : les femmes racisées, précaires, travailleuses invisibles de l’ombre. Cette fracture, elle ne date pas d’hier. Déjà dans les années 70, la militante afro-féministe Bell Hooks alertait sur la manière dont certaines féministes blanches se battaient pour accéder aux mêmes privilèges que les hommes, sans remettre en question les structures de domination qui broyaient les plus vulnérables.

Aujourd’hui, l’histoire se répète. Dans les hautes sphères des entreprises, des femmes accèdent aux postes-clés, occupent des sièges en conseil d’administration, dirigent des multinationales. Mais combien d’entre elles tendent réellement la main aux autres femmes, à celles qui n’ont pas eu le même parcours, le même réseau, le même capital social ? À trop vouloir mimer les cercles élitistes masculins, certaines finissent par en reproduire les codes : cooptation, entre-soi, condescendance.
Le pouvoir, après tout, a toujours été une affaire de caste avant d’être une affaire de genre. Margaret Atwood l’illustrait brillamment dans La Servante écarlate, où les Épouses, femmes de l’élite, ne remettent jamais en cause le système oppressif qui les sert. Elles y participent, elles en tirent profit, et elles méprisent celles qui sont en bas de l’échelle.

Le cas de Sheryl Sandberg, ex-directrice des opérations de Facebook, est frappant. Son livre Lean In, qui encourage les femmes à s’affirmer dans le monde du travail, s’adressait surtout à celles qui avaient déjà les cartes en main pour y parvenir. Son discours ne concernait pas les mères célibataires cumulant deux emplois sous-payés, ni les femmes racisées victimes de discrimination systémique.

Alors, ce féminisme des classes supérieures bénéficiera-t-il à toutes ? L’histoire montre que non. Parce que le combat pour l’égalité ne peut se limiter à une question de parité en entreprise, à des quotas de femmes PDG ou à des panels sur la diversité en conférence. Il doit être un combat pour toutes, y compris pour celles qui n’ont pas la voix, le réseau ou le privilège d’être écoutées.
Tant que la sororité se vivra à huis clos, elle ne sera qu’un miroir aux alouettes.
Comments