Tatami : Duel sous haute pression
- Eleonore Bassop
- 30 sept. 2024
- 3 min de lecture

Lorsque l’on entre dans la salle pour voir Tatami, on pense que l’on va assister à un film de sport. On s’imagine déjà les combats, la sueur, la tension dans l’air. Mais très vite, on comprend que ce n’est pas juste un duel de judo qui se joue sous nos yeux, c’est un affrontement bien plus grand : celui d’une femme contre un régime, d’un rêve contre un ordre oppressant. Et là, la claque est immense.
Leila Hossein, la judokate iranienne incarnée par Arienne Mandi, est là pour gagner. Elle veut cette médaille d’or, elle la mérite, et on la veut pour elle aussi. On la suit, crispés, dans les vestiaires, sur le tatami, partout. Mais voilà que le régime iranien lui tombe dessus : hors de question d’affronter une Israélienne. La solution ? Simuler une blessure. Mensonge, soumission, ou bien la liberté... mais à quel prix ?
Noir et blanc, sans compromis
Dès les premières images, ce noir et blanc. Ça capte tout, ça vous happe. Les visages sont tranchants, les corps en mouvement sont plus nets, plus bruts. Ce noir et blanc, c’est un choix fort. Comme si chaque nuance de gris avait été effacée. Et c’est là où réside la puissance du film : ces combats, qu’ils soient physiques ou intérieurs, sont présentés sans fioritures, sans compromis. Il n’y a pas d’échappatoire, pas d’ambiguïté. C’est ce qui donne à Tatami cette ambiance oppressante, cette tension qui ne se relâche jamais.
Les actrices qui crèvent l’écran
Mais parlons des actrices, parce que franchement, elles portent le film à bout de bras. Arienne Mandi, en Leila, est incroyable. Il y a cette rage en elle, cette fragilité aussi. À chaque prise, on ressent son conflit, cette envie de tout envoyer balader, mais aussi cette peur viscérale. On vit avec elle ce dilemme insupportable. Et puis il y a Zar Amir Ebrahimi qui co-réalise le film, et joue Maryam, l’entraîneuse. Son personnage est plus nuancé, plus pragmatique, presque résigné. Elle incarne ce conflit interne à merveille. Leur duo fonctionne tellement bien qu’on en oublie presque tout le reste. On est avec elles, dans cette lutte, dans cette impasse.
Un peu trop simple parfois...
Maintenant, soyons honnêtes, le film a ses limites. Il y a ce côté « nous contre eux », un peu trop simpliste parfois. D’un côté, les "gentils", ceux qui résistent avec l'occident pour les aider, et de l’autre, le régime iranien, les "méchants". C’est clair, net, mais ça manque un peu de nuances. On sait que la situation est bien plus complexe que ça, et là, on aurait aimé que le film explore plus ces zones grises. Les choix sont souvent impossibles dans la réalité, mais ici, on est parfois trop dans une lecture binaire.
La vraie rébellion, c’est d’exister
Ce qui est fascinant, c’est que ce film sort alors que l’Iran bouillonne encore du mouvement Femme, Vie, Liberté. On ne peut s’empêcher de penser à toutes ces athlètes iraniennes qui ont dû se plier à des règles absurdes, qui ont vu leurs rêves écrasés sous la botte d’un régime autoritaire. On se souvient de Kimia Alizadeh, la médaillée olympique qui a fui le pays, dénonçant les pressions insupportables. Tatami fait écho à toutes ces histoires de courage. C’est un film qui, sans le dire ouvertement, nous parle de ces femmes qui, par leur seule présence, défient les règles. Parce qu’au fond, la vraie rébellion, c’est d’oser exister, d’oser se battre, même quand tout semble perdu d’avance.
Tatami est un film qui vous prend aux tripes, vous plonge dans une lutte acharnée, portée par deux actrices impressionnantes. Il y a des défauts, oui, ce manichéisme trop appuyé parfois, mais la puissance des émotions l’emporte. Ce film est un combat en soi, et qu’on le veuille ou non, il nous marque, il nous remue.
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